Côut de la création d’entreprise
Quel est le montant des ressources nécessaires pour créer l’entreprise ? Combien coûte une création d’entreprise ? Comment bien dimensionner le plan de financement ? Autant de questions récurrentes que se pose chaque entrepreneur, sans toutefois qu’il n’existe de réponses « toutes faites ». En effet, la seule réponse acceptable consiste à lister les frais d’immatriculation, de rédaction des statuts, de publication dans un journal d’annonces légales etc.
Pourquoi est-il si difficile d’appréhender le coût d’une création d’entreprise ? Simplement parce que chaque entrepreneur et chaque projet sont uniques ! D’ailleurs, le business plan traduit parfaitement cette unicité, notamment au travers de la présentation du créateur, des exigences du projet et de la vision que l’entrepreneur a de son entreprise et de son développement.
Ainsi, individu, nature du projet et vision sont les trois principaux éléments qui vont impacter directement la manière dont le plan de financement sera appréhendé et construit.
Sommaire
L’individu
Ses motivations
Première étape indispensable : faire le point sur vous et votre envie d’entreprendre. Le point de départ d’un projet est la personnalité de l’entrepreneur. Ses motivations, son volontarisme, son contexte personnel et professionnel, l’adéquation de ses compétences avec son projet, ses aptitudes, ses attitudes et ses ressources fondamentales conditionnent voire façonnent le projet.
Les réelles motivations de l’entrepreneur sont une illustration parfaite. En effet, chaque entrepreneur possède ses propres mobiles pour créer une entreprise. Or chaque individu a des motivations différentes. L’un peut créer pour retrouver une situation professionnelle, tandis que l’autre souhaitera le faire pour développer un partenariat familial tandis que le troisième le fera pour développer un concept, répondre à une opportunité, être indépendant, devenir riche etc.
Rappelons que ses mobiles ou motivations constituent bien souvent le « moteur » du projet. Or sans moteur, point d’avancées possibles ! Pour cette raison, il est indispensable que le projet soit compatible avec les attentes et aspirations de l’entrepreneur. Prenons un exemple un peu caricatural : un entrepreneur qui souhaite rompre avec la hiérarchie, être son propre patron, travailler « comme il le souhaite » ; sa principale motivation est la volonté d’indépendance. Imaginons maintenant que les opportunités d’affaires et la demande du marché le conduisent à créer son activité comme sous-traitant. Or, le client d’un sous-traitant n’est-il pas communément désigné comme le « donneur d’ordre » ? Littéralement, la personne qui donne des ordres. Vouloir rompre un lien de subordination directe avec son employeur pour être indépendant et devenir « l’exécuteur d’ordres » d’une myriade de clients, n’est-ce pas antinomique ? La motivation première, la volonté d’indépendance, ne risque-t-elle pas de pâtir de cette situation voire même de disparaître petit à petit, annihilant ainsi le « moteur » du projet puis, peut-être, le projet lui-même ?
Cette illustration réaffirme que parmi, les indispensables pour réussir, « faire corps » avec son projet d’entreprise, porter une idée qui corresponde à sa personnalité, ses valeurs, ses ambitions, ses objectifs est essentiel.
Quels impacts sur le plan de financement ? Il est fort probable que les investissements nécessaires au démarrage ne soient pas de la même ampleur pour un entrepreneur souhaitant créer son activité « juste » pour en vivre comparé à un autre qui, dans le même secteur d’activité, souhaite développer un concept, s’associer et déployer son projet nationalement sous forme de franchise.
Son mode de raisonnement
D’une manière générale, il n’y a pas de portrait-robot de l’entrepreneur idéal ! Chacun a des qualités et des défauts qui peuvent être autant d’atouts dans la réussite d’un projet.
Par ailleurs, hérédité, caractère, tempérament, culture d’origine, éducation, croyances, sexe, âge, expériences personnelles, peurs, vision du monde, valeurs, attitudes et comportements fondent la personnalité. Ainsi, chacun possède une identité psychologique distinctive avec ses propres caractéristiques émotionnelles, morales et intellectuelles. L’entrepreneur doit savoir faire de cette unicité un avantage !
Ainsi, l’entrepreneur pourra, par exemple, être plus enclin à utiliser une approche causale ou effectuale pour construire son projet de création d’entreprise. L’approche causale consiste à définir des buts pour ensuite trouver les ressources nécessaires à leur accomplissement. Tandis que l’approche effectuale consiste à partir des moyens à disposition pour définir de nouveaux buts : que puis-je faire compte tenu de qui je suis, de ce que je connais et de qui je connais ? Le point de départ est la personnalité de l’entrepreneur qui va développer son projet par des interactions avec des parties prenantes qui apporteront des ressources et des possibilités nouvelles.
Quels impacts sur le plan de financement ? Le raisonnement causal conduira à fixer un objectif : « je souhaite prendre 10% de ce marché » puis à définir ensuite les ressources nécessaires à son atteinte. Tandis que le raisonnement effectual, conduira l’entrepreneur à s’appuyer sur ce qu’il possède déjà pour démarrer son projet « Je dispose de 8 000 €, je suis passionné par mon métier de graphiste, je peux consacrer 6 mois au lancement de mon activité pour laquelle je vais d’ores et déjà mobiliser mon réseau et des clients potentiels ». Ainsi, dans l’approche causale, il est fort probable que le plan de financement initial intègre l’ensemble des investissements nécessaires à l’atteinte de l’objectif préfixé. Dans l’approche effectuale, le plan de financement sera certainement moins conséquent puisque les ressources apparaîtront « chemin faisant » au fur et à mesure de l’adhésion de nouvelles parties prenantes qui apporteront des ressources nouvelles, des possibilités nouvelles, mais aussi des objectifs nouveaux.
Sa personnalité
Parmi les traits de personnalité, la propension au risque peut influencer l’approche financière de l’entrepreneur. En effet, un individu manifestant un fort besoin de sécurité tendra à limiter le risque en privilégiant le financement interne tandis qu’un autre, plus proactif, aura tendance à recourir plus facilement à l’endettement. Ici encore, la personnalité de l’entrepreneur mais aussi son besoin de contrôle, son aversion pour le risque, son expérience, ses compétences, ses objectifs influenceront le choix de financement. Le niveau de risque accepté par l’entrepreneur, particulièrement lorsqu’il doit garantir personnellement les emprunts, affectera donc directement la structure financière de l’entreprise.
Quels impacts sur le plan de financement ? Dans un cas, le recours aux financements extérieurs sera prépondérant et l’entrepreneur tentera de maximiser l’effet de levier de son apport personnel pour accéder à des financements externes. Dans la seconde hypothèse, les ressources au démarrage seront probablement plus faibles mais l’entreprise sera financièrement plus autonome et indépendante.
Ses comportements de consommation
La personnalité couplée à l’âge induit des comportements de consommation qui pourront se traduire par une approche différente au niveau de plan de financement. En effet, la génération des « nowners » se développe et « commence même à modifier la structure de l’économie » avec des comportements de consommation totalement différents. Posséder des biens pour une durée indéterminée n’est plus leur credo : ils préfèrent louer, acquérir des articles d’occasion, emprunter à leurs connaissances etc…
Quels impacts sur le plan de financement ? Deux approches s’opposent. Pour répondre à un besoin, est-il préférable de posséder le bien ou d’en avoir l’usage et l’accès ? Bien évidemment, avec une approche purement financière, la question ne se poserait pas en ces termes. Mais quoi qu’il en soit, à l’heure d’aborder la construction du plan de financement, les habitudes ou comportements de consommation ne manqueront pas d’influencer les choix de l’entrepreneur.
Son environnement
L’environnement et les contraintes personnelles de l’entrepreneur influencent nécessairement sa vision du projet et par conséquent le projet lui-même.
En lien avec le plan de financement, les notions de ressources financières personnelles et de revenus apparaissent au premier rang des facteurs impactant. Les ressources financières à disposition de l’entrepreneur serviront à faire effet de levier sur les financements complémentaires et constitueront une part non négligeable des ressources du plan de financement. Par ailleurs, le projet doit répondre à deux exigences : permettre de dégager un revenu minimum vital et permettre d’atteindre le niveau de revenu souhaité par le dirigeant.
Quels impacts sur le plan de financement ? Le niveau des ressources initialement disponibles impacte directement la manière d’appréhender le plan de financement. Être en capacité de faire un apport de 10 000 € ou 100 000 € modifiera nécessairement la physionomie des fonds propres. Le lien entre revenu minimum et souhaité et plan de financement est plus difficile à établir directement. Néanmoins, plus le revenu nécessaire ou souhaité sera élevé plus l’entrepreneur aura tendance à mobiliser dès le départ des moyens supérieurs, espérant que les capitaux engagés permettront de dégager des profits supérieurs. A ce titre, dans l’environnement familial de l’entrepreneur, les revenus du conjoint sont aussi une donnée importante car ils peuvent permettre de faire face aux charges familiales dans l’attente de la montée en régime de l’activité.
Rappelons-le : chaque entrepreneur et chaque projet sont uniques ! Toute personne se construit sur la base d’innombrables facteurs psychologiques et socioculturels qui influencent ses choix et décisions, y compris en matière financière.
Le projet
La nature du projet, le domaine d’activité, les exigences du cycle d’exploitation sont des caractéristiques qui influenceront directement les besoins et les ressources du plan de financement. De prime abord, un projet industriel engendrera plus d’investissements qu’un commerce de proximité ; un marché très concurrentiel avec de fortes barrières à l’entrée sera moins accessible qu’un autre et pourra nécessiter un « ticket d’entrée » plus élevé ; un cycle d’exploitation avec de gros volumes de stocks en valeur, un fort pouvoir de négociation de la part des clients et des fournisseurs nécessitera certainement plus de ressources pour financer le besoin en fonds de roulement.
Les besoins d’investissements selon la nature du projet
La nature du projet peut conduire l’entrepreneur à faire face à diverses barrières à l’entrée : obstacles à surmonter pour se lancer sur un marché cible. Ces barrières à l’entrée sont de deux natures : naturelles ou artificielles. Les barrières naturelles ne dépendent pas de la volonté des acteurs en place alors que les barrières artificielles sont le résultat de stratégies mise en œuvre pour rendre difficile l’accès au marché cible.
Un niveau élevé d’investissements constitue une barrière naturelle. Par exemple, le coût de création d’une unité de fabrication d’écrans plats s’élève à plusieurs millions.
Quels impacts sur le plan de financement ? La complexité porte sur le chiffrage précis des investissements. Généralement, cette étape de la construction du plan de financement peut prendre du temps, car il sera nécessaire de consulter plusieurs professionnels. De plus, contourner cette barrière à l’entrée constituée par le montant important des investissements nécessite d’envisager plusieurs options soit d’usage soit d’acquisition, telles que la location, l’achat de biens d’occasion, la reprise d’entreprise plutôt que la création ex-nihilo, la diversification des sources de financement etc. Notons que d’autres barrières à l’entrée peuvent interférer dans la construction du plan de financement. En effet, l’étude de marché permet d’avoir une vision claire du contexte, de l’environnement et des tendances du secteur d’activité ciblé. Il est indispensable de montrer à ses partenaires, notamment financiers, que l’ensemble des barrières existantes ont été prises en considération. La capacité de l’entrepreneur a identifié les contraintes du projet est un élément rassurant quant à son niveau d’expertise.
Les barrières à l’entrée
Au-delà de la barrière naturelle constituée par les investissements initiaux indispensables, d’autres barrières peuvent engendrer des besoins et ressources supérieurs. Ainsi, selon Michael Porter dans son ouvrage « l’avantage concurrentiel », «Les barrières à l’entrée sont des rigidités structurelles du secteur qui obligent les firmes souhaitant y entrer à réaliser un effort conséquent. Elles obligent les nouveaux entrants à réaliser des investissements importants avant d’arriver à l’équilibre et à la rentabilité attendue de l’entrée sur le secteur…. ».
Quels impacts sur le plan de financement ? L’existence de brevets, de réglementations spécifiques, de savoir-faire particuliers, de technologies spécifiques, de difficultés d’accès aux circuits de distribution, de capacités de représailles des acteurs en place, d’un marché captif, de coûts de transfert, d’économies d’échelle permettant d’avoir un avantage sur les coûts de production, sont autant d’exemple de barrières impactant directement ou indirectement le niveau des investissements … donc des besoins nécessaires.
Les process de fabrication de biens
Les process de fabrication dépendent fortement de l’activité. La stratégie de fabrication doit être cohérente avec le positionnement de l’entreprise et engendrera donc des investissements et des besoins financiers différents. Définir correctement la stratégie de fabrication de l’offre est donc essentiel. Cette stratégie, adaptée aux exigences du marché, pourra conduire vers un processus de fabrication standardisé ou flexible. Dans le premier cas, les exigences se tourneront vers la production en volume et l’optimisation des coûts tandis que dans la seconde hypothèse les exigences porteront sur la réactivité et le « time to market », temps nécessaire pour développer une offre ou un service avant de le proposer. De même, la production peut être en continu, de masse, de petites séries ou par projet. Selon le type de demande des clients, la fabrication pourra se faire à la commande, sur stock, par assemblage à la commande ou par différenciation retardée. Par ailleurs, confronté au choix de process de fabrication, l’entreprise pourra opter pour le recours à la sous-traitance. De plus, dans sa réalisation, l’entrepreneur devra continuellement arbitrer entre qualité, délai, maîtrise des coûts et volumes.
Le choix du process de fabrication conditionnera le taux d’intégration de l’entreprise : la capacité de l’entreprise à participer seule à une part importante de la production. Par exemple, deux entreprises vendent des meubles. L’activité de la première consiste à organiser un réseau de distribution : elle achète les meubles et son activité repose sur leur revente. La valeur ajoutée créé par cette entreprise portera uniquement sur la distribution du produit. La seconde entreprise, qui vend aussi des meubles, pourra avoir une activité de sylviculture, de récolte, de production de bois d’œuvre, de fabrication de panneaux, de fabrication de meubles puis de distribution. La valeur ajoutée finale créée par cette entreprise sera supérieure, l’entreprise sera dite plus intégrée. Ainsi, à chiffre d’affaires égal, une entreprise qui réalise en interne l’ensemble de la chaîne de production aura un taux de valeur ajoutée plus important que celle qui sous-traite certaines étapes.
Quels impacts sur le plan de financement ? L’ensemble des choix liés au process de fabrication impacteront directement le plan de financement. Une production de masse, sur stock nécessitera la constitution d’un stock de départ plus conséquent qu’une production par projet et à la commande. Une entreprise peu intégrée pourra par exemple avoir recours systématiquement à la sous-traitance et louer ses immobilisations alors qu’à l’autre extrême une même entreprise pourra décider d’internaliser toute la production et de faire l’acquisition directe des immobilisations.
Les process de fabrication de services
Pour la production de services, la réflexion portera sur le design de services pour définir et orchestrer la prestation, la communication, les interactions clients mais aussi les modes de production, la valeur délivrée voire la structure de l’entreprise. Le design de services s’occupe donc autant de la scène, ce que le client peut voir, que des coulisses, ce qui est nécessaire au fonctionnement du service mais qui reste invisible pour le client. Par exemple, pour un restaurant, les éléments visibles sont nombreux : au moment où vous allez décider de vous rendre au restaurant, vous allez commencer à vivre une expérience client. Cette expérience sera produite par les moyens mis en œuvre par l’entreprise : de manière non exhaustive, le site internet, ses modes de communication, le système de réservation, l’extérieur de l’établissement, l’accueil, le placement, la carte, les menus, les suggestions, la prise de commande, le repas par lui-même, le déroulement du service, le règlement, le départ, les contacts post-visite etc. Mais dans le même temps, pour que cette expérience client soit positive, toutes les activités en coulisses doivent être correctement organisées : système de prise en compte des réservations, système de commandes informatisées, gestion des stocks, organisation de la brigade en cuisine etc.
La consommation de service est indissociable de sa production est correspond à une expérience unique vécue par le client. Contrairement à la production de biens qui se réalise selon un cahier des charges, un processus précis, la qualité du service délivrée n’est pas unique. Elle se fonde majoritairement sur la relation humaine et ne se stocke pas. Dans ces conditions comment être sûr de faire vivre une expérience client perçue de même qualité à chaque prestation ? C’est tout l’art du marketing de services et de la gestion de production de services ! Pour offrir l’expérience la plus uniforme possible, tous les points de contact avec les clients doivent faire l’objet de process de fabrication précis pour limiter les « défauts » de production aussi bien en scène qu’en coulisses, et délivrer des expériences égales à chaque client.
Quels impacts sur le plan de financement ? En fonction de l’expérience client que l’entrepreneur décidera de faire vivre, les moyens à mettre en œuvre seront totalement différents. En effet, la tenue de la promesse de l’expérience clients nécessitera une organisation de la production et des investissements spécifiques aussi bien pour la réalisation directe de la prestation, lors des points de contact avec le client, qu’en coulisses.
Les exigences du cycle d’exploitation
Pour rappel, le cycle d’exploitation correspond aux emplois et ressources directement liés au fonctionnement de l’entreprise. L’ensemble des flux, de matières, de marchandises, mais aussi financiers, qui circulent entre l’entreprise elle-même, ses fournisseurs et ses clients constitue les principaux postes du cycle d’exploitation.
Le cycle d’exploitation permet de comprendre que le fonctionnement de l’activité génère aussi des besoins et des ressources, du fait des décalages d’encaissement et de décaissements générant un besoin permanent d’argent : le besoin en fonds de roulement (BFR). Son calcul est le suivant : Besoin en Fonds de Roulement = Encours des créances clients + Stocks – Dettes fournisseurs. La dette fournisseur est une ressource tandis que l’acquisition des stocks et les créances clients sont des besoins. Le besoin en fonds de roulement est donc un indicateur qui chiffre le besoin financier généré par les décalages de temps entre l’émission d’une facture client et son encaissement, la réception d’une facture fournisseur et son décaissement, et le temps entre l’entrée et la sortie des stocks.
Ainsi, politique commerciale, gestion des achats et des stocks conditionneront les besoins financiers nécessaires au financement du cycle d’exploitation.
Quels impacts sur le plan de financement ? Chaque décision influençant une composante du BFR modifiera le niveau des besoins nécessaires au financement du cycle d’exploitation. Les leviers possibles pour diminuer ce besoin porteront donc sur les conditions de règlement des clients, la diversité des flux de revenus, la fixation du prix de vente, la négociation avec les fournisseurs, quant aux prix d’achat et aux délais de paiement, ainsi que la gestion du volume et de la rotation des stocks.
Les choix de flux de revenus
Au démarrage de l’activité, il va être nécessaire de constituer une trésorerie de départ. Cette dernière permettra de couvrir les charges directement liées au démarrage, au financement de la TVA et aux charges courantes de l’entreprise, en attendant que les encaissements soient suffisants.
La trésorerie de démarrage est un élément fondamental du plan de financement ! Bien sûr son niveau sera fonction des charges de départ (frais d’ouverture de compteurs, les frais de formation, les petits travaux d’aménagement, l’achat de petits matériels ou outillages, l’acquisition du matériel de bureau et les fournitures etc.). De même, si le calcul du BFR n’a pas intégré la TVA déductible sur immobilisations comme des créances d’Etat, elle augmentera proportionnellement aux investissements. Par ailleurs, plus le volume de flux de revenus, c’est à dire d’encaissements, sera rapide et conséquent, moins il sera nécessaire d’avoir une trésorerie de démarrage importante. Faire ses premiers encaissements dès la création ou après 6 mois d’activité ne crée pas le même besoin de trésorerie !
Pour cette raison, il est important de bien comprendre le type de business model mis en place pour chaque segment de clients et de s’interroger sur les flux de revenus.
Il existe différents types de business model : la vente one shot de biens ou de services, la location, l’abonnement, les enchères, le freemium, le paiement à l’utilisation, le in-app purchase, le low cost etc … chaque type va générer un flux de revenus différent, mais même pour un seul segment de client, les modèles de flux de revenus peuvent se combiner !
En effet, de plus en plus, le business model traditionnellement utilisé dans certains secteurs est détourné par d’autres. Par exemple, si l’abonnement est très utilisé dans le secteur de la presse écrite, il est aujourd’hui détourné dans le secteur de l’habillement qui propose désormais des abonnements mensuels pour acheter ses vêtements. Les flux de revenus correspondent aux encaissements générés par chaque segment de client. Ils sont donc intimement liés à la politique commerciale mise en place. Dans l’exemple précédent, le commerçant a créé un second flux de revenus via les abonnements en plus de son flux de revenus traditionnel de vente en boutique.
Réfléchir aux flux de revenus du modèle économique permettra aussi de valider la cohérence des canaux de distribution, des segments de clients et plus largement de la politique commerciale.
Ainsi, une même offre peut produire des flux de revenus différents en fonction du business model choisi, mais aussi des modalités de paiement comme le règlement comptant ou différé, le versement d’arrhes, d’avances, d’acomptes, la pratique de l’escompte etc.
Au-delà des flux de revenus directement liés à un modèle économique, il existe d’autres flux de revenus tels que les aides, les subventions, les créances qui peuvent modifier la structure du plan de financement. Par exemple, une aide accordée peut avoir des modalités de versement diverses, de même, une demande de remboursement anticipée de TVA au démarrage créera un encaissement après 6 mois d’activité. Par exemple, une aide financière peut être versée en totalité au démarrage de l’entreprise ou débloquée en deux fois : une quote-part au départ puis le solde après 6 mois d’activité.
Quels impacts sur le plan de financement ? Plusieurs flux de revenus sont possibles pour un même segment de client. La nature du flux de revenus, la combinaison de plusieurs flux et les modalités de paiement correspondantes peuvent améliorer la « qualité » des encaissements en termes de récurrence, de volume, de prévisibilité etc. Ces choix pourront permettre de générer des encaissements plus ou moins rapidement et, par voie de conséquence, d’avoir besoin de recourir à une trésorerie de départ plus ou moins importante. Plus largement, s’intéresser aux flux de revenus revient à anticiper les encaissements et, au final, les flux de trésorerie.
La vision de l’entrepreneur
La vision entrepreneuriale
La vision est en lien direct avec les motivations et la personnalité de l’entrepreneur puisqu’elle énonce clairement où il souhaite aller. Cette vision est dynamique et décrit la façon dont l’entrepreneur voit son entreprise dans le futur. A ce titre, Henry Mintzberg (1990, Structure et dynamique des organisations p. 275) insiste sur ce lien étroit en expliquant que la vision « est la plupart du temps une extrapolation directe des convictions personnelles (du dirigeant), une extension de sa propre personnalité ».
La vision lance un défi, simplifie la prise de décision, motive, donne une direction. Par exemple, si l’entrepreneur souhaite que son entreprise devienne « le « bla-bla car » de la moto en France », il ne mettra pas en place la même stratégie, donc les mêmes actions, que s’il souhaite devenir « le « bla-bla car » de la moto à Marseille ».
Quels impacts sur le plan de financement ? Selon le désir qui l’anime et sa compréhension du contexte actuel et à venir, l’entrepreneur formule sa vision pour agir, définir le niveau de risques acceptables, mobiliser des parties prenantes, fixer des objectifs et créer de la richesse. La vision est aussi un outil de communication interne voire externe qui tend à être de plus en plus partagée. Mais, particulièrement en démarche de création d’entreprise, la vision originelle n’est souvent que la traduction de l’ambition de l’entrepreneur. Cette dernière conduira à définir différentes missions, à construire différentes stratégies, à mener différentes actions et au final à mobiliser des ressources et à engendrer des coûts différents dont le plan de financement devra tenir compte.
Le prisme déformant du risque
Lors de l’établissement de la vision stratégique de l’entreprise, comme le suggère Louis Jacques Filion, l’entrepreneur doit prendre en compte : « une composante externe, c’est-à-dire la place que l’on veut voir occupée par son produit ou service sur le marché et une composante interne, c’est-à-dire le type d’organisation dont on a besoin pour y parvenir ». La vision s’avère donc être un bon équilibre entre la compréhension des propositions de valeurs futures attendues par les clients et l’organisation nécessaire à mettre en place pour délivrer cette valeur.
Dans les faits, l’entrepreneur tend à être plus ou moins influencé par l’une ou l’autre des composantes en fonction de son appréhension du risque : menace ou opportunité. Selon cette perception, dans la définition de sa vision, l’entrepreneur sera influencé par sa volonté soit de limiter le risque entrepreneurial soit de limiter le risque de manquer une opportunité entrepreneuriale. Dubard Barbosa et Fayolle, dans une analogie maritime ont qualifié ces deux approches comme « le risque de couler » une fois lancé (sinking the boat) ou « le risque de manquer le bateau » (missing the boat).
La première approche conduirait l’entrepreneur à réfléchir en pertes acceptables et à considérer l’entreprise comme un outil de production de biens ou services. Il focaliserait donc plus son attention sur les éléments stratégiques internes comme les ressources, les capacités, les compétences etc..
Tandis que la seconde approche conduirait l’entrepreneur à être en recherche d’opportunités et de réfléchir en gains espérés, considérant l’entreprise comme un outil de satisfaction clients. Il se concentrerait donc plus sur les éléments externes comme la construction de la proposition de valeur, l’expérience client, l’image, la construction de partenariats etc.
Quels impacts sur le plan de financement ? La détermination de la vision et de la mission de l’entreprise conduisent à la construction de la stratégie d’entreprise, « acte de déterminer les finalités et les objectifs fondamentaux à long terme de l’entreprise, de mettre en place les actions et d’allouer les ressources nécessaires pour atteindre lesdites finalités » (Alfred Chandler – historien de l’économie américaine – 1962). Pour reprendre cette définition et les constats précédents, l’entrepreneur pourrait soit focaliser sur la mise en place des actions soit sur l’allocation des ressources. Ces deux attitudes différentes engendreront l’une et l’autre des besoins en investissements et des coûts, mais qui seront de natures différentes. Ainsi, une focalisation sur la prise d’opportunités ou sur la construction de « l’outil » conduisent à des plans de financement différents.
Alors combien coûte une création d’entreprise ?
Dites d’abord qui vous êtes, quel est votre projet, où vous voulez aller, comment vous voulez y aller etc… et alors, et seulement alors, il sera possible de traduire cette idée en chiffres. Le montage financier du projet n’est pas un préambule, ce n’est qu’une traduction des choix de l’entrepreneur, influencée par sa personnalité, ses perceptions, les contraintes du projet et sa vision.
Chaque personne est unique, donc chaque projet est unique ! Sa transcription chiffrée, le plan de financement, le sera donc aussi.
Cette unicité justifie à elle seule l’aberration que constitue l’enfermement de certains futurs entrepreneurs qui ne souhaitent pas parler ou communiquer sur leur projet en amont de la création d’entreprise. En effet, non seulement l’idée est unique, puisque directement liée à la personne qui la porte. Mais une idée n’est rien ! Seuls son développement et sa mise en œuvre peuvent conduire au succès. Mais, même dans son exécution, le projet continuera de dépendre directement de son porteur : l’entrepreneur.
Imaginer Vincent van Gogh ne souhaitant pas dire à son ami Paul Gauguin qu’il souhaite peindre une allée bordée d’arbres en automne, de peur que ce dernier ne lui vole l’idée ! Ridicule, non ? D’ailleurs Van Gogh et Gauguin, pendant les deux mois qu’ils ont passés ensemble à Arles en 1888, ont peint les mêmes sujets et même paysages, dont l’Allée des Alyscamps. Les résultats sont pourtant très différents en termes de couleurs, de point de vue, de techniques utilisées etc.
De plus, en entrepreneuriat, si l’idée en soit n’est rien et que seule son exécution importe, encore faut-il ne pas oublier qu’elle s’inscrit dans une temporalité. Avoir l’idée et l’exécuter correctement est une chose, le faire au bon moment en est une autre.
A retenir : Le montage financier ne conditionne pas le projet ! C’est l’inverse !